mercredi 22 octobre 2014

Mémé mémoire

Aujourd'hui, j'entame une nouvelle catégorie : Bestiaire de bibliothèque !

Vous y trouverez toute la faune que l'on croise dans ces lieux mystérieux au parfum de papier...
Ce soir, je vous présente une grande habituée. Vingt ans qu'elle vient, toujours le jeudi matin...

dimanche 19 octobre 2014

Jeu de Mime


Voilà, je vais m'arrêter là pour le moment. Je ferai peut-être une update plus tard pour raconter comment tout cela se finit. Au bout d'un mois et demi j'ai retrouvé mon visage (j'ai encore les pommettes gonflées mais ça se voit pas) et je peux enfin manger normalement ou presque !
Si par hasard quelqu'un passe sur ce blog en tapant "ostéotomie du maxillaire supérieur type Lefort I" ou quelque chose du genre, je serai ravie de répondre à ces questions...
Est-ce que c'est douloureux ? Non.
Est-ce que c'est facile ? Non.
Est-ce que ça vaut le coup ? Oui, mille fois oui !

lundi 6 octobre 2014

"C'est dans ta tête"

Ce texte a été écrit un peu après ma troisième nuit d'angoisse à la clinique.

C’est dans ta tête. C’est dans ta tête. Quand l'infirmière de nuit entre, tu la reconnais, c'est la même, celle qui ne peut rien faire. Ou ne veut rien faire ? Qui t'a regardé te tortiller avec... Pitié ? Compassion ? Rien que de la voir, avec sa montre suspendue à sa blouse, tu sens que ça monte. L'angoisse. La peur... De quoi ? De l'impuissance de cette femme qui pourrait te regarder crever ?

C’est dans ta tête. Tu ne peux pas mourir étouffée juste avec ton nez bouché et ces élastiques qui te bâillonnent. C'est scien-ti-fique. Tu le sais bien que le cerveau, insuffisamment oxygéné, te réveillera automatiquement…
C’EST DANS TA TETE ! Les mots qui se jettent sur toi, tout ce que tu as lu dans la journée, les titres, les noms, bourdonnant comme un essaim entre les parois de ton crâne... Une litanie qui passe sur toi, en toi, et te bouffe l’intérieur. Ton corps qui tremble sous les assauts de ces phrases sans queue ni tête, sans qui ou quoi, ça ne veut rien dire, et pourtant ça HURLE !
Tu ne peux pas dormir, il faut pourtant, mais tu ne peux pas, t’as peur, voilà, t’as peur comme jamais, et tu ne sais même pas de quoi ! Tu ne sais pas de quoi t’as peur ! La veille tu savais, c’était à cause du plat de soupe ! Une soupe froide dont l’odeur t’a hantée toute la nuit ! Et la nuit d’avant, facile ! Peur d’étouffer, cauchemars atroces où tu n’es qu’une bouche verrouillée, au milieu d’une rivière en furie, cherchant de l’air, de l’air, de l’air ! C’est dans ta tête. Tu allumes la lumière. Agrippes la perfusion qui te déchire le coude. Tu vas aux toilettes. Ouvres la fenêtre. Mais il n’y a pas d’air. Tu veux sentir la caresse du vent mais ton nez est BOUCHÉ. Dur comme du carton et tout ensommeillé. Pas encore remis de l’opération. Tu te recouches, et la litanie recommence.
Tes draps puent la peur, ça tu le sens. Tu transpires et rejettes les couvertures. Mais tout ton corps est secoué par les frissons, et avec un gémissement tu te redresses pour les saisir de tes doigts malhabiles. Tu as envie d’appeler l’infirmière, mais elle ne peut rien faire. Elle te l’a dit :
« tout ce qu’il faut faire c’est se détendre ». Alors que les mots sont comme des oiseaux de proie qui labourent ton corps. Se détendre.

Et il n’est même pas une heure du matin.

Tu redresses le matelas. Remets les oreillers en place. Peut-être qu’à moitié assise… Après tout c’est comme ça que les voies respiratoires se dégagent. Mais elles sont dégagées, en fait. C’est pas ça le problème. Le problème, c’est la peur.
Tu finis par mettre un doigt dans ta bouche, toi qui n’avais jamais sucé ton pouce. Tu cherches ce petit interstice entre les dents, derrière les canines, où tu arrives à faire passer la nourriture. Tu le trouves entre les chairs enflées. Deux dents suffisamment écartées. De l’air. Oui, de l’air frais. C’est suffisant pour dormir, ça.
Sauf que non. Parce qu’à la minute où tu bascules, tu refais surface. Les mots reviennent à l’assaut. Tu trembles. Tu cherches le trou d’air. Tu t’arques sur ton matelas mi-levé. Les dents en avant, le nez en avant, les larmes qui glissent. La poitrine qui se soulève désespérément. Et les jambes qui tremblent encore encore encore.

Et il n’est même pas une heure et demie.

Le manège reprend. Tu allumes la lumière. Tu te lèves, tu vas aux toilettes, tu fermes la fenêtre. Il y avait du bruit dehors. Et puis il y a ce grondement, de temps en temps, qui vient du bâtiment lui-même. Comme un râle énorme.
Tu éteins la lumière. Et ça recommence. Cette fois, tu entends tout ce qui se passe dans la clinique. L’infirmière qui rôde, les petites sonneries. Bruits clignotants, chariots, pas tranquille, couinements. La personne qui tousse inlassablement.

Tu as dormi ! Dix minutes, selon ton portable.

Le répit a été court, la bataille recommence. Tu ne sais plus quoi faire. C’est dans ta tête, oui, mais comment tu l’enlèves ? Comment tu te défends ? Et soudain tu te rappelles. Dans l’après-midi, quand il faisait jour, il y avait cette musique. Tu prends ton téléphone et les écouteurs, cherches frénétiquement. Une première chanson te fait l'effet d'une décharge électrique. Non, c’était pas ça. Tes mains tremblent tellement que tu as du mal avec l'écran tactile.
Et puis tu le trouves, cet album de Radiohead. Tout d’un coup les tremblements s’arrêtent. Comme si la musique t’apaisait.
Mais ça aussi, c’est dans ta tête.
Dès que la chanson se termine, les hurlements des mots te survolent. Tu réussis à lancer l’ensemble des chansons. En boucle. Tu laisses la musique chasser les tremblements. Elle les expulse. Tu respires à peine, mais tu respires. Et la nuit fait moins peur.

Tu ne dors pas. On ne dort pas vraiment avec de la musique dans les oreilles. Surtout que ce n’est pas particulièrement relaxant, il y a du rythme, des transitions. Ce n’est pas un somnifère, c’est un exorcisme.
Puis tu dors en pointillés. Au milieu d’une chanson. Le silence te fait bondir, et tu relances encore la musique. Encore. Encore. Encore…

Il est 5h du matin. Tu actionnes le volet. Bientôt le jour, mais pour l'instant tu observes les ombres dans l'arbre d'en face. L'une d'elles, vaguement éclairée par un lampadaire, te fait penser à un sanglier. Les yeux rivés à cette masse sombre, tu attends qu'il soit six heures. L'infirmière de nuit reviendra, changera l'antibiotique, et te souhaitera une bonne journée.
Cette fois tu sais que tu ne vas pas y couper. Il te faudra un somnifère. De toute façon, même si ton sommeil est artificiel, tu te réveilleras si tu t'étouffes, hein ?

Hein ?...

C'est la crise